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Au Brésil, des passionnés font revenir la nature en ville

Les 20 millions de Paulistas n’ont, comme la plupart des Brésiliens, aucun contact avec la nature, alors que le pays est l’un des plus riches au monde en biodiversité. Néanmoins, « forêt de poche » ou agriculture urbaine, des projets fleurissent dans cette mégapole du littoral atlantique.

- São Paulo, correspondance

« Au Brésil, celui qui met les mains dans la terre, c’est celui qui n’a pas fait d’études, c’est le paysan. Mais celui qui façonne la nature, c’est le fazendeiro, le grand propriétaire terrien, qui vit généralement en ville et ne connaît rien ni à la biodiversité ni aux espèces natives. » Ainsi parle Ricardo Cardim, botaniste et entrepreneur. Le Brésil moderne vit un paradoxe de déconnexion : c’est à la fois l’une des régions du monde les plus riches en biodiversité, mais sa population, qui vit à plus de 84 % en ville, ignore quasiment tout de ce qui la constitue. « Les gens pensent généralement que la banane, l’orange ou la mangue sont des fruits originaires d’Amérique, mais ils viennent d’Asie. Ils ignorent aussi que 90 % des espèces végétales qu’on trouve en ville ne sont pas natives. »

L’avenida Paulista est l’artère centrale et symbolique de São Paulo. C’est là que Ricardo Cardim a installé deux de ses projets consistant à recréer en milieu urbain un bout de forêt atlantique (oumata atlântica, un écosystème de forêt tropicale typique du littoral brésilien, que certains scientifiques considèrent plus riche en biodiversité que la forêt amazonienne.) Sur le toit du siège de la CitiBank, le botaniste a fait planter 520 arbres issus de 80 espèces natives. « Il y a un important besoin de préserver, car il existe un danger d’invasion biologique. » Malgré la petite taille des « pocket forests » (« forêts de poche ») que crée Ricardo Cardim (environ 400 m2 pour celui de la CitiBank), le botaniste est convaincu que cela a déjà une influence. « Les oiseaux et les insectes viennent et propagent ensuite les semences. »

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La miniforêt de Ricardo Cardim est visible depuis la rue.

Également entrepreneur, l’homme a développé sept projets de toits végétalisés dans la capitale économique du Brésil, à chaque fois en partenariat avec des entreprises privées. « Les autorités publiques ne sont pas encore enclines à soutenir ces projets. Il y a beaucoup de barrières administratives et fiscales. Mon activité pourrait être reconnue d’intérêt public, mais aujourd’hui je paie autant d’impôts que les entreprises du BTP », souligne-t-il.

« Une culture du développement durable »

Très souvent, au Brésil, c’est la société civile — les ONG mais aussi les entreprises, à travers leurs programmes de RSE (responsabilité sociale des entreprises) — qui est pionnière lorsqu’il s’agit de mener des projets de sensibilisation. Tandis que Ricardo Cardim travaille auprès de divers publics sur l’importance de la biodiversité, d’autres entreprises travaillent à faire connaître les bases de l’agriculture aux populations urbaines. Un de ces projets est mené par l’une des institutions les plus caricaturales de la vie citadine : le shopping mall. Sur le toit de son centre commercial, le Shopping Eldorado, Sergio Nagai a ainsi fait installer en 2012 un potager urbain.

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Le potager compte 2.500 mètres carrés sur le toit du centre commercial

« L’objectif était d’abord de transmettre à nos employés une culture du développement durable. »En effet, la première intention du directeur était de réduire la production de déchets du centre commercial, qui reçoit 60.000 visiteurs par jour et dont l’« espace restauration » jette près d’une tonne de détritus quotidiennement. L’entreprise a donc développé son propre système de compostage à partir des déchets alimentaires biodégradables. Le terreau est ensuite utilisé pour faire pousser des légumes et des plantes aromatiques sur le toit même du bâtiment. Ricardo Omar, directeur des opérations, gère la logistique et accueille les employés issus des différents services de l’entreprise : de l’administration à la sécurité, du personnel de nettoyage aux voituriers. Il observe l’intérêt grandissant du personnel lors des activités de plantations et de récolte. « Au début, beaucoup ne comprenaient pas l’intérêt, ce sont des gens qui n’ont pas de jardin, ne connaissent pas le fonctionnement d’un potager. » C’était le cas de Josué, un ancien employé du nettoyage qui s’occupe maintenant du compostage. Tout en triant les déchets, puis en les mélangeant à de la sciure et à des enzymes, il nous explique : « C’est de la nourriture qui va redevenir de la nourriture ! Nous, les Brésiliens, on est habitués à la nourriture “sous-vide”,maintenant je rapporte des aliments frais à ma famille. »

Le Brésil est le second producteur agricole du monde, et pourrait, dans les prochaines années, selon la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), dépasser les États-Unis, pour devenir la plus grosse ferme de la planète. Peu nombreux pourtant sont les Brésiliens à connaître la manière dont sont produits les aliments qu’ils consomment au quotidien. C’est le cas, par exemple, du café.

« L’intérêt didactique, mais aussi historique et culturel du projet »

São Paulo est une ville qui a bâti une partie de son économie et de sa croissance sur la production et le commerce de café (originaire de l’Est africain) au XIXe siècle. Aujourd’hui, il ne reste plus qu’une seule plantation de café à l’intérieur de la ville. Elle se trouve à l’Institut de biologie, à Vila Mariana, et sa raison d’être est désormais éducative. « Nous travaillons avec des écoles et avec certains professionnels du secteur, explique Harumi Hojo, chercheuse en entomologie et responsable technique du site, mais nous sommes également ouverts à tous ceux qui veulent savoir comment le café est cultivé. » Initialement, la plantation a été créée dans les années 1950 pour que les chercheurs de l’Institut trouvent des solutions contre le scolyte du caféier, un coléoptère qui ravage les cultures.

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L’Institut de biologie de São Paulo et sa plantation de caféiers.

Pour conserver cet espace de 10.000 m² en plein centre-ville et ses 1.600 pieds, l’institution publique, qui dépend de l’État de São Paulo, a dû faire valoir sa haute valeur éducative. « Nous sommes ici dans un quartier très noble de la ville, où le terrain coûte cher, mais les autorités ont compris l’intérêt didactique, mais aussi historique et culturel du projet. » Chaque année, au mois de mai, des écoliers, des voisins et des visiteurs de passage participent à la récolte lors d’un grand événement qui permet à tous de connaître de près le processus de production. En moyenne, une tonne y est récoltée, avant d’être torréfiée. Puis, le café obtenu est distribué gratuitement via le Fond social de solidarité de l’État de São Paulo. « Tous ceux qui viennent ici découvrent quelque chose qu’ils ignoraient », conclue Harumi.

http://reporterre.net/Au-Bresil-des-passionnes-font-revenir-la-nature-en-ville

 

 


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Posté le : 13 mai 2016

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Urbanisme