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Amour des extrêmes

Le bon sens voudrait que les extrêmes soient aux extrémités, et le bon sens au milieu. J’ai toujours tenté d’avoir des réflexions qui soient équilibrées. Et qui puissent coller à la réalité. La civilisation n’a jamais eu autant de moyens pour réaliser ses ambitions, ses rêves. Et pourtant les idéaux peinent à être mis en œuvre.

Pourquoi la société continue à choisir les extrêmes ? N’y a t’il pas de juste milieu ?

Puisque j’aime bien les plantes, j’ai orienté mon regard sur une partie peu connue de l’agriculture…

Hybridation, sélection des plants, optimisation des récoltes, etc. Ces travaux sont réalisés par quelques grandes multinationales du secteur agronomique, qui vendent leur savoir faire aux agriculteurs du monde entier. De leur côté, les paysans n’ont plus la possibilité d’effectuer leur propre sélection, de travailler leurs plants. L’industrie a pris la main sur cet art, ce travail artisanal du vivant. La loi leur a attribué royauté.

Ayant intégré une école d’agronomie il y a peu, j’ai eu l’occasion de discuter avec des étudiants ayant plus de pratiques dans ce domaine. Un camarade m’a ainsi raconté de quelle manière, au sein de sa classe d’horticulture, les élèves avaient appris à optimiser des plants. Continuant les travaux pratiques à la maison, une quinzaine d’étudiants passionnés ont réussi, sans recours à la « grande industrie », à développer des hybrides viables, à améliorer leurs saveurs et leur rendement. Bref, un petit travail d’orfèvre sur le vivant.

Cet exemple m’a fait tiquer. D’un côté j’avais le système totalitaire des multinationales, de l’autre la passion de quelques jeunes agronomes. Chacun était en capacité de développer des plants optimisés, sauf que l’une des pratiques était légale et pas l’autre.

En effet, il est interdit pour un agriculteur européen de développer ses propres semences. Il doit forcément passer par le catalogue européen*. Ce procédé permet évidemment aux consommateurs de manger des légumes homogènes et calibrés, et aux producteurs des conditions de travail et de rendement standardisés. Mais il radicalise l’agriculture à un seul et unique standard. Il est pratiquement impossible de faire autrement. Il n’est plus possible d’apprendre des expériences du passé. De choisir ses semences en fonction des rendements des années précédentes, de développer de nouveaux produits locaux issus de croisement…

Pourquoi ? Les hommes se sont peut être habitués aux paysages en monoculture, aux légumes sans saveur de la grande distribution, aux suicides des agriculteurs. Moi ça me pousse à rêver à autre chose.

J’imagine une agriculture diversifiée. Chaque bassin géographique pourrait confédérer les paysans. Comparer leurs plants et les rendements. Multiplier les types de semences. Celles qui réagissent bien aux années sèches, celles qui repoussent tel type de ravageurs. Tester de nouvelles espèces et de nouveaux goûts. Si l’on procédait ainsi, on favoriserait la diversité biologique comme réponse aux aléas naturels plutôt que la standardisation des plants et la destruction des biotopes.

Si les conditions de culture sont standardisées, et que celles-ci annihilent la fertilisation naturelle du sol, alors la majorité des terres agricoles sont des boites de pétri. Comparer la terre des forêts à celle des champs en monoculture, c’est comparer les deux états extrêmes du sol. Qui à mon sens fait aussi débat.

Alors dans tout ça je me demande si l’humanité ne serait pas naturellement attirée par les extrêmes. On continue à industrialiser l’art agricole, par peur que celui-ci ne soit pas assez productif et prédictible. La majorité des terres en culture sont mortes, et les plantes qui y poussent sont des clones. Je me pose sérieusement des questions.

Une sorte de fantasme mondial de l’autodestruction. L’adrénaline provoquée par la peur de la mort. C’est sur ça fait bouger, mais dans quel sens ?

Quentin Chance

* Catalogue européen des semences http://ec.europa.eu/food/plant/propagation/catalogues/database/public/index.cfm?event=homepage

 


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Posté le : 8 octobre 2014

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Jeunesse, Société