» A l’aune d’un besoin croissant de lutte contre la pollution, architectes, ingénieurs, urbanistes et scientifiques mutualisent leurs compétences pour trouver des solutions d’optimisation énergétique et de réduction de l’empreinte carbone jusqu’à l’échelle du bâtiment. Les infrastructures innovantes présentées dans cet article s’inscrit dans le projet Paris, Smart City 2050. Les bâtiments deviendront autosuffisants jusqu’à être, comme l’explique l’auteur, » des minicentrales énergétiques décentralisées et connectées entre elles « . Rendez-vous dans 35 ans ! »
Corentin Greuez
Géographe – Urbaniste, consultant chez Staff Planète
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De nouvelles techniques pour lutter contre la pollution voient le jour un peu partout dans le monde. Une façade à Mexico, un nouveau revêtement à Milan… Les bâtiments de demain seront métaboliques et intelligents !
Atlantico : Un nouveau genre de bâtiment voit le jour : les bâtiments anti-pollution. Notamment à Mexico, où la façade d’un hôpital a été réalisée avec des tuiles spéciales qui ont la capacité de « laver » l’air. Quelles sont ces techniques anti-smog ou anti-pollution ?
Vincent Callebaut : Aujourd’hui il existe différentes technologies inspirées des nanotechnologies et des biotechnologies que l’on peut intégrer aux bâtiments pour viser des bâtiments propres et dépolluants. Dans le cadre du plan climat-énergie de la ville de Paris, nous avons développé 8 prototypes de tours écologiques que l’on pourrait construire dans le Paris intramuros d’ici 2050 : ces tours sont inspirées de la nature, des écosystèmes. Elles sont capables de créer leur propre énergie, que cette énergie soit électrique, calorifique ou même alimentaire dans le cadre des fermes verticales.
En plus de créer leur propre énergie et de recycler leurs déchets elles sont aussi dépolluantes. C’est-à-dire que ces bâtiments luttent contre le nuage de pollution, qui est composé des particules fines, de Co2 et d’humidité de l’air. Ce nuage de pollution peut être dégradé naturellement par un processus de photosynthèse artificiel qui s’appelle la photocatalyse. Par exemple, certains bâtiments sont recouverts de dioxyde de titane, et ce dioxyde de titane est capable d’engendrer la photocatalyse qui va dégrader les particules de CO2 en poussière et de venir épurer l’atmosphère urbaine. Aujourd’hui, les villes manquent de place, au lieu de construire les jardins à côté des bâtiments se sont les bâtiments eux-mêmes qui deviennent des jardins. On sait très bien couvrir un toit de jardins verticaux, qui sont capables d’épurer, par l’action des plantes, les eaux issues des tâches ménagères rejetées par les habitants d’un immeuble. Il est nécessaire de construire des immeubles qui ne sont pas que des bâtiments inertes mais qui sont véritablement métaboliques en étant capable de recycler l’air ou l’eau.
On est encore au stade de la recherche scientifique en laboratoire, mais c’est notre rôle en tant qu’architectes de dresser des ponts entre la recherche théorique et la recherche appliquée en industrie en essayant de placer en situation ces différents types de projets. Dans le cadre de Paris Smart City 2050, nous avons travaillé avec des ingénieurs qui ont calculé les taux de production et de consommation d’énergie pour connaitre la rentabilité de ce genre de technique.Idéalement on n’aurait pas besoin de bâtiment dépolluant s’il n’y avait pas de pollution. C’est l’addition des différentes mesures complémentaires qui assurera la transition énergétique à venir. En associant les bâtiments anciens avec des nouvelles technologies métaboliques on trouvera l’efficience énergétique de la ville du futur.
Non cela n’existe pas encore en France. Les innovations viennent le plus souvent des pays émergeants où l’évolution économique est plus forte, où il y a beaucoup de terrains à construire et une explosion démographique. On est toujours à la fin de la chaine de l’innovation en France dans ces domaines là. Il y a beaucoup d’études qui sont établies dans les villes américaines ou dans les villes du sud-est asiatique pour justement créer ces nouvelles technologies. Le projet principal à Paris, est celui de la Smart City 2050, avec les fameux 8 prototypes de tours dont nous avons parlé. Elles sont auto-suffisantes voire à énergie positive, c’est-à-dire qu’elles produisent plus d’énergie qu’elles n’en consomment.
Oui, la ville de demain va finalement se transformer en une forêt tropicale mature. La forêt amazonienne fonctionne grâce à l’énergie solaire et à la photosynthèse naturelle des arbres. Les arbres produisent des déchets, et ces déchets servent de ressource naturelle inépuisable à toutes les espèces qui vivent au pied des arbres. L’enjeu est d’établir la même logique dans la ville. Les bâtiments de demain seront des minicentrales énergétiques décentralisées, connectées entre elles ce qui permettra à chaque bâtiment de redistribuer en temps réel l’énergie qu’ils consomment grâce aux cycles de recyclabilité. Le coût supplémentaire pour un bâtiment intelligent est d’environ 20%. Mais sur le long terme le surcout est égal à 0. Il ne faut pas étudier l’économie d’une construction sur un cycle court mais sur un cycle moyen, car il faut additionner au coût de construction les coûts d’exploitation. Par exemple, un bâtiment qu’on paiera 1000€ du mètre carré va coûter plus cher en coût d’exploitation. Alors que si on construit un bâtiment à 1250€ du m2, il va couter plus cher au début mais il va baisser de 50 à 70% sa facture énergétique. Au final, à long terme un bâtiment écologique coûte moins cher qu’un bâtiment inerte.
On peut citer plusieurs techniques :
L’intelligence du bâtiment se fait entre les dernières technologies de pointe et les technologies ancestrales que l’on réadapte.
Article disponible sur le site Atlantico
Auteur : Vincent Callebaut, archibiotecte
Publié le 5 Avril 2015
Photo à la une: les bâtiments « vert » se multiplient. Crédit DR / Vincent Callebaut